[Flash-back] Attraction

'Il a rien compris.'

Il lui semblait que l'an dernier, sans être sur la même longueur d'onde, il y avait un semblant de compréhension entre eux deux. Un été plus tard, ils avaient toutes les peines du monde à s'atteindre. Comme s'ils avançaient en aveugle, en battant les bras dans tous les sens dans l'espoir de toucher enfin quelque chose.
Lui, elle ne savait pas, mais elle, c'était exactement ce qu'elle ressentait.
Mais Meghan ne se voyait pas lui expliquer tout ça.
Pas plus qu'elle ne se voyait lui expliquer calmement, les yeux dans les yeux: "écoute, Shawn, je voudrais juste que tu me dises n'importe quoi... que tu me trouves toujours jolie... que je t'ai manqué.. que tu frappes n'importe qui qui m'approcherait d'un peu trop près... que tu vas provoquer Mikaïl en duel...", n'importe quoi, juste pour avoir l'impression qu'il l'aimait encore un peu.. juste un peu... Même si c'était pour jouer au grand frère protecteur.
Même les trucs les plus simples, Shawn ne semblait pas en mesure de les décoder. Le fait qu'elle aurait fait n'importe quoi pour essayer de l'oublier. Même si c'était vain. Même si ça na faisait que retourner le couteau dans la plaie.
Mikaïl était juste le premier n'importe quoi qui lui était tombé sous la main.

Elle laissa un long silence s'installer. Parce qu'elle avait l'impression que c'était tout ce qu'ils avaient encore à partager... un grand silence commun, chacun perdu dans des pensées qui sont fermées à l'autre.
Parce que, si il pouvait ne ressentir qu'une infime part du malaise qui l'envahissait, si ça pouvait le déstabiliser, si ça pouvait lui ouvrir un tant soit peu les yeux...

"Bien sûr que non, il est pas super mon Machin-chose."

'Il t'arrive pas à la cheville.'

Ça serait le seul indice qu'elle lui donnerait. Shawn croyait vraiment qu'elle allait se jeter dans les bras du Serdaigle juste parce qu'elle en avait envie? Elle avait rarement eu aussi peu envie d'un garçon. Mikaïl n'y était pour rien. S'il savait, le pauvre Mikaïl combien il n'était qu'un semblant de remplaçant.

"Bien sûr que non.", un ton plus bas.
Meghan le fixa droit dans ses beaux yeux gris verts.
S'y perdre encore un instant.
Est-ce qu'il connaissait encore l'alphabet de ses yeux? Etait-il encore capable d'y lire quelque chose?

'Ou est-ce que tu es devenu illettré?'

Ce n’est visiblement pas la réponse qu’elle attend. Immédiatement, Shawn retient son sourire. Aucune idée du pourquoi, mais le fait qu’elle n’attende pas son approbation le réconforte. Elle s’attend à autre chose. Le problème c’est qu’elle va devoir attendre un moment.
Elle le fixe de ses yeux avec cette expression qu’ont les femmes quand elles veulent vous transmettre un message sans ouvrir la bouche. Lui, en bon gars, tente de déchiffrer mais en vain. Y a pas de leçon de déchiffrage à Poudlard et habituellement il se fout de ce que les autres attendent.
Meghan est un mystère. Il la connaît bien, il irait même jusqu’à dire qu’il la connaît par cœur. La seule partie obscure c’est celle qui les concerne tous les deux. A propos d’elle, il sait presque tout. A propos d’eux il se sent comme un scrout en cours de divination. Ce qu’elle attend ? Lui peut-être… Mais pour combien de temps ?
En la voyant face à lui, grâce à son ton bas il saisi une chose. Le garçon du rendez-vous, elle s’en fiche. Mais après ? Logan ? Lui ? Qui…
Il hausse les épaules et s’arme du bouclier le plus impitoyable qu’il ait. L’arrogance. Parce que Meghan est touchante et qu’il refuse d’être touché.
Il se détourne d’elle un instant, guette la foule qui menace de les piétiner à chaque instant. Peut-être qu’il n’attend que ça en fait. Une échappatoire, une diversion, une porte de sortie qui lui éviterait de laisser Meghan pénétrer dans son espace vital à nouveau.
Sauf qu’elle est là, à le regarder, avec toute sa fragilité dans les yeux. Le regard de quelqu’un qui souffre.

« Viens Meggie, on bouge. »

La diversion c’est lui. Brusque besoin d’air, de bouger, et de ne pas la regarder. Il s’empare de sa main sans demander la permission. Qu’elle la refuse et il aura une excuse pour la piquer.

Pourquoi ça soulage de faire mal ?

Elle est légère lorsqu’il la relève et la tire dans les escaliers, légère comme une plume, lourde d’attente.
Il fend la foule sans ménager ceux qu’il croise. Tant pis, c’était pas le jour pour passer par là. Il traîne toujours Meghan, sans rien dire, regardant droit devant lui. La pauvre n'a peut-être même pas les pieds qui touchent terre tellement il semble pressé. Son épaule bute contre une autre mais rien ne le fait dévier. Et puis soudain au milieu du hall il s’arrête brusquement et se tourne vers elle.

« Bouse Meghan, qu’est-ce que tu fous avec un type qui …. Avec un mec qui n’est pas super ? »

A quoi tu joues ?

Adressant de-ci de-là des regards d'excuse qu'elle ne pensait même pas à quelques uns des élèves bousculés, Meghan suivit docilement Shawn à travers les couloirs, sans formuler ne serait-ce que l'embryon d'une protestation.
Personne ne pouvait prendre conscience de la perfection de ce moment, et la jeune fille était persuadée que le Serpentard lui-même n'en avait pas conscience. Il y avait sa main dans la sienne et on goûtait à un petit bout de paradis. Sa peau lui avait manqué. Le quelque chose dans la chaleur qu'elle transmettait. C'était trop difficile à expliquer. C'était Shawn, voilà tout. Il fallait le vivre pour comprendre et Meghan souhaitait de toutes ses forces que personne d'autre ne le vive, et tant pis pour la compréhension.

Les voilà au milieu de l'attention de tous, stoppé en pleine foule comme deux acteurs sur une scène. Le regard de chacun pouvant se fixer sur eux. Tout ce que la Gryffondor déteste. Ca faisait longtemps qu'elle ne s'était pas sentie aussi bien.
Les mots de Shawn sonnent doux malgré le juron qui les préfixe. Ca sonne comme... comme de l'intérêt.

Restait le problème de la réponse.
Ils ne pouvaient pas juste rester là, tous les deux? Sa main à elle dans sa main à lui? Elle acceptait même qu'ils restent là, au vu et au su de tous. Hein? Non?
Evidement non. Les choses seraient trop simples.
Pourquoi? Elle? Avec ce type?

'Parce que je t'aime, sombre crétin.'

Dur de répondre ça. Il risquait de ne pas apprécier le "sombre crétin".

'Bien sûr.'

C'était fou ce que les garçons pouvaient être obtus quand il s'agissait des choses simples.
Il aurait pourtant suffit à Shawn de jeter un coup d'oeil à sa jugulaire pour y voir l'accéléré de son rythme cardiaque.

Elle avait toujours été honnête avec lui. Trop. Toutes les vérités n'étaient définitivement pas bonnes à entendre. Elle y avait perdu.
Pouvait-elle faire moins que rester fidèle à elle-même. Il lui avait repris tout ce à quoi elle aurait pu tenir. Il ne lui restait plus qu'à lui tourner le dos pour parachever le pire. Mais Meghan était persuadée que ça, il n'y parviendrait pas. Sa foi en l'être humain, peut-être.
Sa foi en Shawn, tout simplement.

"Pour combler l'ennui."

C'était ça. Sans être tout à fait ça.

'Un peu de courage et d'audace.'

"Je sais pas rester toute seule."

'Tu devrais le savoir.'

"J'ai besoin qu'on m'aime."

'Ça aussi, tu devrais le savoir, Shawn.'

Elle avait de la peine à en revenir que ça soit sorti si facilement. C'était l'effet Shawn. Ces pulsions qui la forçaient à se tendre vers lui. Pour le meilleur et pour le pire.
Elle le fixa, pas longtemps.

Il y avait ce besoin désespéré de se sentir aimée.
C'était ce qu'il n'avait pas su comprendre, ce besoin qui la dévorait de l'intérieur. Cette incapacité à choisir. A trancher.
Elle avait lui. Elle avait eu Logan. Elle s'était nourrie de cette profusion d'affection. L'un ne prenait pas la place de l'autre. Ils se complétaient, s'enrichissaient. En perdant Shawn, elle avait aussi perdu un peu de Logan.
L'un existait grâce à l'autre.
C'était tellement faux cette idée qu'un seul homme peut se lover dans votre coeur. Est-ce qu'on demande l'exclusivité à ses amis? Non. C'était leur diversité qui faisait leur richesse.
Elle avait aimé Shawn comme jamais elle n'aimerait Logan. Elle avait cru aimer Logan comme jamais elle n'aimerait qui que ce soit.
Choisir. C'était cruel de... devoir choisir. Shawn avait donc tranché, laissant un vide que Logan avait été incapable de combler à lui tout seul. Lui non plus n'avait pas compris. Mais il s'était tu. Lui acceptait la présence de l'autre. Ou plutôt, son fantôme.
Seulement, maintenant, Meghan savait que si le vie devait trancher, que si elle devait trancher, ça ne serait pas forcément en faveur de celui qui était resté.

Ça ne te suffit jamais…

Il haussa les épaules et pris un ton léger.

" Moi je m’en fous qu’on m’aime. On vit très bien avec."

On l’aura remarqué…

" Donc je récapitule, tu me demande de l’aide pour sortir avec un mec dont tu te fous carrément et que tu fréquentes pour je cite : combler l’ennui. Charmant."

Normal

Il plongea les mains dans ses poches et se détourna légèrement pour cacher son sourire. Jouer à celui qui ne comprend pas devenait plus difficile. Il se racla un instant la gorge puis se tourna à nouveau vers elle. Son sourire s’évapora immédiatement. S’il était flatté par son manège, il se sentait complètement à côté de la plaque. Entre ce qu’il avait envie de faire, ce qu’il devrait faire et ce qu’il allait faire, le gouffre était si grand qu’on pourrait y planquer une meute de trolls des cavernes.

Il la fixa un instant, envoya promener le petit ange qui lui soufflait de dire la vérité et se laissa bercer par la douce voix de sa conscience « facile ». Celle avec les petites cornes.

" Si tu t’en fous de ce mec, c’est pas bien grave si tu te plantes non ? Alors lâche-toi, tu verras bien ce qu’il en pense."

Au pire c’est un blaireau double d’un abruti aveugle.

A peine les mots étaient-ils sortis de sa bouche qu’il les regrettait déjà. Dire la vérité aurait peut-être été plus intelligent pour une fois. Et si elle finissait par se plaire avec ce sombre scroutt ?

« En fait je préfèrerais que tu ne sortes avec personne. Même si on est plus ensemble.»
Ça se dit ça ? Sans passer pour un troll ?

"De toute façon c’est un troll."

Et voila.

" Enfin c’est ce qu’il parait. Tu sais les ragots vont vite au château …"

Shawn lèva les yeux au ciel et maudit intérieurement ses deux consciences. Là, c’est toujours le moment où il se saborde. C’est plus fort que lui. L’honnêteté ne passe pas. Il culpabilise un instant pour ce pauvre gars qu’il ne connaît pas et dont la réputation va faire le tour du château grâce à lui. Pas bien longtemps. Parce que culpabiliser ce n’est pas trop son truc. C’est juste histoire de dire.

'Et je sais déjà qu'il n'y arrivera pas, sombre crétin.'

Non, Mikaïl ne parviendrait pas à combler son ennui. Tout simplement parce qu'elle n'avait même pas envie qu'il y parvienne. Et Meghan pouvait se révéler extrêmement têtue dans ce genre de situation.
C'était cruel pour Mikaïl de se servir de lui ainsi. Il attendait certainement plus... autre chose. Quelque chose qu'elle n'avait même pas envie d'envisager d'éventuellement, peut-être, lui offrir.
Il n'y parviendrait pas, parce que, parfois, l'antidote résidait dans le poison même. Mais ça non plus, elle ne se voyait pas l'expliquer à Shawn.

Maintenant... maintenant, résister à la tentation de suivre la mode actuelle au château et de lui balancer un "C'est toi le troll". Un, ça ne résoudrait strictement rien. Et deux, c'était absolument pas Meghan, ce genre de répartie. Alors...?
Alors, la jeune fille se retrouva face à un dilemme façon "La Vérité ou l'Audace". Dire à l'autre ses quatre vérités, tout ce qu'on avait sur le coeur. Ou oser un truc complètement fou.
Dans l'un ou l'autre des cas, ça n'allait pas améliorer la situation...
Lui dire qu'il avait été le seul à parvenir à lui faire oublier les "demain", les "tout à l'heure" et autres "après". Qu'elle avait oublié à quel point c'était bon. Et que maintenant ses peurs la rattrapaient au grand galop.

'Je pourrais mourir demain.'

Elle pourrait mourir demain sans l'avoir eu pour elle une dernière fois. Elle pourrait mourir demain en ayant passé un après-midi avec un autre en pensant à lui.
Mais elle avait mûri. Un peu. Au lieu de garder les yeux fixés sur es failles de l'avenir, elle regardait le maintenant. Au lieu de penser à ce qu'elle n'aurait pas le temps de vivre, elle choisissait de le vivre maintenant.

'Demain, c'est tellement loin quand tu m'aimes.'

Ca avait été tellement vrai.
L'audace alors.
Dans le silence qui s'éternisait, Meghan se réappropria l'espace qui s'était créé quand Shawn avait remis sa main dans sa poche. Ce qui allait suivre ne lui coûtait qu'un peu de fierté. ça n'avait jamais vraiment été son point faible. Une dernière fois rien qu'à elle. C'était sur ses lèvres qu'elle puiserait son courage. Une seconde. Deux. Le temps de l'effleurer. Le temps d'un court baiser. Piqûre de rappel de ce qui aurait pu encore être et qui n'était plus.
Dieu qu'il lui avait manqué.
Tout aussi rapidement, elle se détourna. Elle ne lui laisserait pas le temps de la repousser. Et elle ne le laisserait pas voir combien ce court baiser avait pu l'affecter.

"J'aurais pas dû."

Lui devait comprendre: c'était un réflexe stupide.

'J'aurais pas dû...'

Son goût allait encore la hanter des jours durant. Elle avait mis tout l'été à s'en désintoxiquer.
Bien fait pour elle.
Tentant de retrouver sa maîtrise d'elle-même, qui disparaissait toujours mystérieusement quand elle se retrouvait près de Shawn, Meghan se détourna lentement et marmonna:

"Bon j'y vais."

Et de relever la tête pour réinvestir un peu de fierté. avancer la tête haute comme elle avait vu tant de ses amies Gryffondor le faire.
Elle seule savait qu'elle ne rejoindrait pas Mikaïl. Il ne serait qu'un garçon de plus à fustiger l'inconstance des filles.

Il aurait du s’en douter… Elle avait ce regard particulier qu’a Meghan quand elle va faire un truc super osé. Les yeux qui brillent d’un « hé, moi aussi je peux faire ça ». Son petit menton relevé d’une fierté d’avoir vaincu sa peur. Oui, il aurait du s’en douter. Meghan allait attaquer munie d’une arme plus redoutable qu’une armée d’Aurors.

"Bouse !"

Oui, réaction très appropriée. Aujourd'hui c'est le mot à la mode, le mot "in".

"Tu t’es excusée combien de fois Meghan aujourd’hui ?"

C’est lancé avec une pointe amer, acide, un peu de vipère qu’il porte sur sa langue et qui lui a accordé le blason qu’il porte depuis six ans.
Elle s’apprête à partir et il la rattrape par le bras. Demi-tour, un peu plus fort qu’il n’aurait voulu. Elle perd l’équilibre, il ajoute le second bras. Pour qu’elle ne tombe pas. Bien entendu.
Son baiser était bref. Un baiser de Meghan. Presqu’une excuse en lui-même. Le contact était doux… comme avant.
Il esquisse une grimace qui se mue en sourire sarcastique. Pas question qu’elle s’imagine le toucher à travers son Mikael ou autre là. Pas question qu’elle imagine bien. Il laisse de côté la fierté bafouée d’avoir été repoussé en si peu de temps.
Ses doigts s’enfoncent dans le bras de Meghan, il doit lui faire mal mais n’en est que plus soulagé. Qu’elle souffre elle aussi. Qu’elle souffre ce qu’elle lui fait. Qu’elle souffre ce pincement au cœur qu’elle provoque en l’embrassant. Qu’elle souffre de lui avoir fait revivre six mois en une seconde seulement. Qu’elle souffre d’avoir posé ses lèvres pour mieux les retirer.
Et plus ses doigts réaffirment leur emprise sur la peau velouté de Meghan, plus il s’en veut de se sentir soulagé.

"T’aurais pas dû quoi exactement ? Le problème c’est qu’avec toutes ces excuses on ne sait même plus pour quelles raisons tu le fais. "

Et son cœur de cogner quand la réponse qu’il attend et également celle qu’il craint.

J' me cogne aux murs de ma mémoire
J' me suis perdue à l'angle de notre histoire
Dans le silence, j'ai appris quelque chose
C'est qu'en amour y a toujours des portes closes
Mais il va falloir que j'apprenne encore

"Tu me fais mal, Shawn."

Le pouvoir des mots et de leur double-sens. Pouvoir dire la vérité sans qu'elle soit forcément interprêtée comme telle. C'était pourtant dit son regard à elle droit dans son regard à lui.
Ok, elle avait pris l'habitude de prendre ce qu'on acceptait de lui donner, de ne jamais réclamer, de ne jamais attendre. Ca avait changé avec Shawn. Elle avait oublié que cette époque était révolue.
Ca n'était même pas vrai. Elle n'avait pas oublié... Elle avait juste voulu croire...

"Oh... et puis, bouse aussi."

Meghan Cameron qui jurait, c'était comme la neige en juin. Inattendu.



Ca avait quelle importance maintenant?



Ok.
Il l'avait cherché, il n'aurait qu'à composer avec ça. Il semblait que de toute façon, ça n'était plus son affaire.

"Quand on a froid, on s'imagine qu'on peut se réchauffer en soufflant sur des braises."

Mais c'était inutile. Aussi inutile qu'il était douloureux de poser le doigt dessus.



Elle n'avait pas dit ça, quand même?
Furieuse contre elle-même et cette capacité agaçante de dire ce qu'elle aurait dû taire, Meghan jura tout bas, et s'emporta contre Shawn. S'emporta à l'échelle Cameron.

"Lâche-moi, maintenant, Shawn."

'Tu as eu ce que tu voulais.'

"Si t'as rien d'autre à me dire, je peux y aller, maintenant?"

C'était un peu plus froid que ce qu'elle avait prévu. Mais elle en avait assez de le laisser jouer avec sa corde sensible.

Bien sur qu’il lui fait mal. C’est un peu voulu. Pas trop, juste pour que… ça le soulage lui. Et Meghan de jurer.
Meghan qui jure c’est pas bon signe. Il l’agace, il le sait. Elle va se fermer comme une coquille… et avec un peu de chance, il l’aura tellement agacée qu’elle va partir, à nouveau. Peut être que ce sera plus facile alors.

Elle se met à parler de braises et le voila perdu. Le langage des filles, c’est bien compliqué. Elles font des métaphores quand une bonne explication serait de mise. Mais non, là encore il doit décoder. Sauf qu’il n’y est plus. Cet effort là, il ne le fera pas. Il se contente de la regarder et la lâcher. La lâcher vraiment. Comme on lâche une bombe.
Ses bras retombent le long de son corps, inertes, sans vie, privés du lien qui les maintenait actifs, privés du toucher de sa peau. Fini.

Voila Megh je ne te fais plus mal.

Il lui jette un regard glacial, aussi froid que le ton qu’elle emploie. Il a gagné, Meghan est blessée. Voila. Et qu’est ce que ça fait de gagner ?

Fais Ch***…

Il soupire et la regarde se dégager, avec ce stupide sourire au coin des lèvres qu’il ne peut s’empêcher de greffer à son visage. Parce qu’il n’est pas fier justement, il sourit. Parce que sous l’ironie apparente, il s’en veut un peu. Juste un peu, pas trop. C’était pas vraiment après elle qu’il en avait, plutôt après lui. Mais tant pis. Il a gagné. C’est l’essentiel non ?

« Vas-y court rejoindre Mickey, m’est avis qu’il s’impatiente… »

Mais quel Troll !

Son sourire se fait plus moqueur alors qu’elle tourne les talons et s’évapore bien vite quand elle ne peut plus le voir.

Elle s’en va.

Trouve un truc.

Vite !

Il s’agrippe à une écharpe légère négligemment posée sur un sac et s’en empare brusquement au risque de déséquilibrer son propriétaire. Echarpe, sac et élève trop hébété pour protester viennent avec.

« Megh attends !»

Voila voila… c’est là qu’on enchaine.

Il fait quelques pas pour se retrouver à son niveau et s’arrête, brandissant la douce étoffe comme un étendard.

« Tu as oublié ton… ta… ce… »

Un rapide coup d’œil à l’écharpe annonce la couleur : Bleu et argent. Ou comment être ridicule en deux temps trois mouvements.
Il grimace et la jette par-dessus son épaule.

« Bon… Tu sais, t’es quand même incroyable, c’est toi qui m’a fait venir et tu me plantes là !»

Il l'avait lâché et Meghan regrettait à présent de le lui avoir demandé. Il faisait froid au pays de poignets. Ça en devenait stupide d'être lunatique à ce point.
Mais elle ne dit rien, ne fit rien. Pas plus quand il mentionna Mickey. même pas la peine de lui faire remarquer qu'il avait écorché son nom. Elle s'en foutait. Pas de l'avis de Shawn. Qu'on puisse écorcher le prénom d'un garçon qu'elle avait dû croiser deux fois cette année en cours de Métamorphose. Quelle importance?

Alors qu'elle lui tournait le dos, son pas se fit pressé. On a beau avoir toute la bonne volonté du monde, il y a des gestes qui sont plus difficiles à faire que d'autres.
Ou à ne pas faire.
Comme se précipiter dans un demi-tour bondissant simplement parce qu'Il vous lance un "Meghan, attends!" avec un magnifique point d'exclamation qui donne l'impression qu'il le veut vraiment.
Alors ça donne un mouvement désordonné qui ferait honte au premier chorégraphe venu. Mais la Gryffondor n'en a cure.

'Attends.'

Toujours.
Son regard se fixe sur le visage de Shawn en quête d'elle ne sait quoi.
De remords? Non, Shawn n'est pas sujet au remords.
De... quelque chose. Tout. N'importe quoi. Du moment que ça pouvait ressembler à de l'intérêt.
Ce même regard finit par tomber sur l'écharpe et ses lèvres frémirent en un sourire. Le temps qu'elle s'envole vers son ex-propriétaire (qui la ramassa avec une grimace de mécontentement. Son visage parut un instant familier à Siam mais... peu importe) et le Serpentard avait eu le temps de pondre une de ces questions embarrassantes dont il le don. Du genre qu'on meure envie d'y répondre et qu'on sait qu'on peut pas.>

"Ecoute, Shawn."

'Pour écouter, il faudrait encore avoir quelque chose à dire.'

"Je..."

De belles phrases tout faites se formaient dans sa tête. Le genre de phrases qu'on entend au Cinémagic. Le même genre de phrases qu'on peut vraiment pas balancer dans une conversation au quotidien.

"Joue pas avec moi, Shawn."

Ça c'était 100% Meghan et c'était pas beaucoup mieux.

"S'il te plaît."

Et ça, c'était encore pire.
Un chuchotement pitoyable.
Le regard qui se voile un instant sur tout ce qu'on veut cacher. Elle a la voix qui se brouille, Meghan, qui s'affole de tous les non-dits.
Encore un effort. Elle se force à le fixer, à croire qu'en le regardant, elle saura voir en lui.

"Soit t'as envie que je reste encore un peu..."

'Dis-moi pas que c'est pas fierté.'

"Soit..."

Soit il venait de la rappeler et il n'avait quand même pas changé au point de se réjouir à la voir s'abaisser à obéir à sa voix comme le Croup commun.
Conclure, maintenant.

"T'avais juste pas l'air très... enthousiaste d'être... avec moi."

'Donner le bâton pour se faire battre.'

Soit quoi ?
Soit je te dis de partir et on reste là une fois de plus ?

Il détourne le regard un instant. L’instant de trop à tous les coups. Il aurait du se douter. Quand les filles posent une question, il est important de garder à l’esprit qu’elle est purement rhétorique.
Genre : soit t’as envie que je reste un peu... Réponse : Oui. Même pas attendre la deuxième proposition. Surtout quand elle vient jamais.
Sauf qu’il sait plus trop.
Visiblement, elle et lui sont incompatibles. L’affection ne fait pas tout. Elle a le chic pour attendre de lui ce qu’il est tout bonnement incapable de lui apporter.

Il tort la bouche un instant. Le sourire, là, ce serait mal venu.

« Qui joue avec l’autre Megh ? »

Tu m’appelles et j’accoure.

Et j’étais enthousiaste.

Avant.

« J’ai pas envie que tu partes… »

Mais je suis pas sûr d’avoir envie de rester.

C’est très clair non ?

« …surtout si c’est pour aller bredouiller des excuses bidons à ton Mike. » Lance-t-il moqueur.

Il va s’arrêter là. Parce qu’il est conscient qu’il frôle la limite qu’elle ne supportera pas de franchir. Qu’il insiste encore un peu et elle se braquera. Il n’est pas certain de vouloir la braquer. Ni de l’épargner.

Derrière lui un soupire agacé suivit d’un époussetage en règle d’écharpe. Il se retourne pour fusiller la pauvre victime d’un regard. Achevant le soupir dans un hoquet la pauvre victime en question détourne rapidement le regarde et ne moufte mot.

Quand il se tourne à nouveau vers Meghan c’est un air sérieux qu’il aborde.

« On n'a pas toujours ce qu’on veut hein ? »

Un sourire naquit doucement sur ses lèvres pour s'étendre à tout son visage. Et pourtant, tout en elle criait qu'elle n'y croyait qu'à moitié. Mais cette moitié-là lui suffisait.

- J'ai pas envie que tu partes...

Moitié qui se tronqua subitement quand la phrase offrit sa sentence.
Mike? Quel Mike?
Oh... Ce Mike-là...
Le sourire s'évanouit plus rapidement qu'il était apparu.
Non, sûr, on n'avait pas toujours ce qu'on voulait.

Encore un coup, comme s'il n'y avait pas d'autre alternative à la tendresse.

*Ok. Ok.*

Ok. Ca n'avait été qu'un oui pour dire un non. Un "j'ai pas envie que tu partes" qui se soldait par un "mais toi, tu devrais partir". faire semblant de vouloir pour laisser la faiblesse du choix à l'autre.
Ok.
Si c'était tout ce qu'elle pouvait faire pour lui faire plaisir.

*Non, on n'a pas toujours ce qu'on veut.*

Elle le voulait lui et elle ne pouvait pas l'avoir. démonstration grandeur nature de son théorème.

"Ok, Shawn. Ok.
J'y vais. Et... Pas d'excuses bidons à Mike."

Comprenne ce qu'il voudra.
Aussi sérieuse que lui, elle lui lance un dernier regard, avant de décider dans un sursaut que ce sera l'avant-dernier. Les mots s'échappent sans que Meghan n'ait le temps de les retenir.

"On se reverra? Si je joue plus, on se reverra?"

C'était d'un pathétique.

"On pourrait être de vrais amis, Shawn. Si on y fait attention."

Elle était aussi sérieuse que lui. "Restons amis", c'était d'un bâteau. Mais il y a des bâteaux auxquels on a besoin de se raccrocher pour ne pas sombrer.
Et, au moins, elle pourrait le voir.