Lundi soir, ou mardi matin... c'est selon... [ouvert]

Il était tôt. Très tôt. Trop tôt? Nah.
Quand on est barmaid, il était plutôt tard. Très tard. Surtout pour un lundi soir. Un samedi, ça n’aurait pas été surprenant. Mais un lundi soir, terminer à 4h du matin? C’était franchement ridicule.

Ellie ferma la porte derrière les derniers clients (en leur lançant un «Bonne nuit, là!» avec un grand sourire qui disparu sitôt la porte barrée) et soupira un bon coup. Enfin, ils étaient partis. Non pas qu’ils avaient été si désagréables, mais la jeune femme ne s’attendait pas à travailler aussi tard en ce début de semaine, et seule pour assurer le service du pub complet. Elle se retourna vers la salle principale et se félicita d’avoir commencé un peu le ménage dans les coins et petites pièces adjacentes. Avec un peu de chance, elle rentrerait peut-être avant l’aube...

Attachant ses cheveux en chignon désordonné sur le dessus de sa tête, Ellie sorti sa baguette magique et intensifia la lumière des chandelles et des lampes. Brutal, certes, mais on fait du ménage ou on n’en fait pas. Un autre coup de baguette et les chaises commencèrent à s’empiler les unes sur les autres le long du mur... À grand coup de sortilèges, serpillère, balais, sceaux et guenilles s’activèrent pour commencer le nettoyage.

Fredonnant pour elle-même, Ellie déambula à travers la pièce afin «d’accioter» (du sort accio dont elle avait fait un verbe) les dernières chopes restantes sur les tables et...

"AAAAAAAAH...llo bonsoir, je ne vous avais pas vu!" sursauta-t-elle, en se rattrapant le plus professionnellement possible.

Apparemment, il restait toujours un client. Dans l'ombre d'une poutre, dans un coin loin du comptoir principal, évidement, elle ne l'avait pas vu. Les clients avaient toujours le don de choisir l'endroit, le coin où on n'allait pas les voir. Et bien sûr, leur reprocher de ne pas les avoir servi comme il se devait, évidement, évidement...

Ellie s'approcha donc du coin réellement sombre, au point où elle ne pouvait distinguer (malgré la lumière plus forte qu'auparavant) de quel client il s'agissait. Car forcément, s'il y était, c'est qu'il (ou elle en fait) était entré à un moment de la soirée... Maudissant intérieurement ce/cette retardataire qui éloignait l'heure des retrouvailles entre elle et son lit douillet, elle se recomposa une expression diplomate et s'approcha de ... appelons-le (pour l'instant) L'Indésirable.

"Je suis vraiment désolée, je croyais que tous les clients avaient quittés. Je ne voulais pas vous mettre à la porte, bien au contraire..."

'Mais si vous pouviez le faire, ça serait génial, ok? Ok merci bonsoir bonne nuit byyyyyye là, byyyyye' pensa-t-elle, souhaitant de tout coeur que L'Indésirable ne commanderait rien d'autre que l'addition...

J'ai toujours réussi à passer inaperçue. De taille moyenne, de corpulence moyenne, rien de particulier dans le visage, bref, banale quoi. Mais t'as des yeux magnifiques voyons ! Super. Si je les ferme, je suis transparente ? En même temps je râle, mais ça m'arrange bien. Être transparente ça me permet de ne pas avoir à faire la conversation. Je suis une jolie plante décorative, une tapisserie sympa ou la figurante de service qui meuble le vide laissé par les personnages principaux.
Bon, je dresse un tableau noir, je suis plus optimiste les autres jours. Mais après une journée du type de celle d'aujourd'hui, n'importe quelle créature magique ou pas aurait agit de la sorte : poussé la porte du premier bar venu, en l'occurrence, merci les Trois balais, et noyé son chagrin son horreur sa malchance sa déroute sa journée toute entière dans un, deux ou même trois verres. Bon, avec de la bièraubeurre, je ne risquais pas grand chose, si ce n'est l'éclatement de vessie.
Ma transparence et moi-même n'avons donc pas été plus étonnées que ça de voir la serveuse fermer la porte. J'allais me lever pour m'excuser et sortir, mais les relents de cette abominable journée me clouent sur ma chaise. En gros, j'ose même pas me lever. Peut-être que si je me fais toute discrète, je pourrait continuer à passer inaperçue et me faufiler dehors une fois qu'elle aura tout éteint. Je suis une superbe tapisserie et une autruche hors pair. Si je pouvais me glisser sous les lames du parquet, je serais déjà dans la réserve de l'établissement. Voir au second sous sol. Mais à moins que la serveuse ne sois sourde et aveugle, il est inévitable qu'elle finisse par remarquer que la chaise que j'occupe n'est pas vide.
Aujourd'hui nous avons eu les résultats des affectations de nos stages de pratique en entreprises. Bien grand mot entreprise. Il fallait se trouver des tuteurs pour les trois semaines à venir. Bien entendu, dans notre filière, tout le monde se bat pour aller avec Wyndham. C'est un peu le dieu de la créature à l'université. Pour commencer, la moitié des filles s'imaginent en train de le séduire. Ces greluches ne le connaissent pas un poil de Boursouflet. Le jour où Wyndham se laissera séduire par une étudiante les scrout à pétard chanterons des cantiques de Noël. Je crois qu'il déteste les êtres humains. Ce type ne répond pas quand on lui dit bonjour, et m'a laissé détruire la moitié de son bureau cet été, sans réaliser que j'avais été mordue par un Malagriff tacheté.
Avouons, à sa décharge, que s'il est un asocial sociopathe compulsif, Wyndham ou WW pour les intimes à sens uniques, est certainement LA Référence en matière de créatures magiques dans tout le Royaume Uni. Dégoter un stage avec lui est donc l'objectif prioritaire de tout étudiant de la filière.
Une place, un heureux et des dizaines d'envieux.
La place : c'est moi.
J'avais fait ma demande l'année dernière, avec six mois d'avance, dossier à l'appui, CV, lettre de motivation et tutti quanti.
Je devrais faire des bonds. Au lieu de ça, j'ai eu envie de mourir toute la journée. En six mois, j'avais déjà dégoté un stage avec lui et … hormis la destruction de son bureau mentionnée si dessus, je vous passe les détails de notre collaboration.
Il a du signer la convention un soir d'intense beuverie. Sauf qu'il n'a pas une tête à boire. Ou alors il a oublié qui j'étais. Peu probable après cet été. Du coup, après une intense réflexion tout au long de la journée, je suis parvenue à la conclusion qu'il m'avait accepter pour me faire payer mes erreurs. Quand WW vous aime bien, c'est déjà pas de la tarte, du coup, j'ose même pas imaginer la très longue partie de plaisir qui m'attends pour les trois semaines.
Journée intense donc. Sans compter les réflexions de mes camarades criant au piston, à la promotion canapé et brandissant les expressions les plus charmantes à mon égard. J'ai appris à faire le dos rond et laisser couler les méchancetés... mais aujourd'hui, devait plus y avoir de produit imperméable sur mon plumage. Échouage au Trois balais pour la soirée et une bonne partie de la nuit, quatre biéraubeurres plus tard, j'ai mentis sur le nombre tout à l'heure, et l'envie de disparaître complètement. Domaine dans lequel il semblerait que je sois plutôt douée, pour le coup.
Quand la serveuse sursaute, je me sens devenir rouge pivoine. Le pire étant qu'elle s'excuse, alors que la pauvre nigaude incapable de répondre aux signes évident de la fermeture imminente d'un établissement, c'est moi.

Va falloir que t'arrête la bièraubeurre, tu sombres dans le mélo là. Dire que j'ai horreur des gens qui se plaignent de longue. Je vais me faire vomir toute seule. Secoue-toi.

Je me ressaisie rapidement, et me redresse brusquement, envoyant valser ma chaise avec toute la délicatesse qui me caractérise.

« Désolée je... »

Je ramasse la chaise. Y a plus rien qui passe dans ma tête.

  « J'ai eu une journée de merde. »

Voilà qui justifie tout. Elle s'en fout la madame de ta journée, elle veut fermer.

  « Je vais vous laisser fermer, il doit être... putain ! Il est super tard ! »

Enfin, tôt du coup. Genre j'ai cours dans 4h et des poils de licornes.
Je réalise aussi qu'en trois phrases j'ai réussi à caser deux grossièretés. Je dirai bien que c'est pas mon genre mais j'ai l'impression que ça devient une fâcheuse habitude.
Je fourre rapidement la main dans mon sac pour en extirper ma bourse, faisant tomber au passage une petite enveloppe cramoisie qui se met à voleter dans la pièce. Je reconnais toute suite une mini beuglante. Le genre de blague qui circule en ce moment dans l'université. Ça se met à débiter des horreurs dès qu'on la touche quelqu'un a dû...

«  Pauvre fille ! Wyndham t'a sûrement choisie par pitié, c'est pas avec ta tête et ta cervelle que tu vas... »

Plutôt leste à quatre heures du mat et autant de bièraubeurres dans l'estomac, je dégaine ma baguette en silence et pulvérise en vol la petite chose hurlante qui vient d'achever de me mettre à l'aise.
L'air de rien, je sors quelques galions de ma poche et les tends à la serveuse en évitant soigneusement son regard.
Je viens de comprendre le besoin de Carrie dans le roman du même nom, de les massacrer un par un... Vivement le bal de promo.

Je déconne.

Spoiler:

Alors c’est UNE Indésirable. La lumière avait frappé son visage lorsque l’être vivant s’était levé. Être vivant, oui, c’est rassurant à dire. Parce qu’à 4h du matin un lundi soir, Ellie n’avait vraiment mais vraiment pas envie de ramasser une épave de loque humaine imbibée d’alcool. Habituellement par contre, les dites épaves, elle les voyait s’enfoncer au fil des consommations. Là, elle se rappelait de la jeune fille, et ne se souvenait pas lui avoir servi une quantité faramineuse de chope. D’ailleurs, à bien y penser, elle était restée sur la bièraubeurre.

‘Tant mieux pour elle, elle n’aura pas mal aux cheveux demain matin... ou plus tôt, tantôt...’

Ellie n’avait pas fini de formuler cette pensée que L’Indésirable envoya sa chaise par terre, se précipita pour la ramasser en s’excusant, plaidant avoir eu une journée de merde. Désormais dans la lumière (puisqu’elle était debout), Ellie pu voir le visage de son interlocutrice et regretta aussitôt de l’avoir surnommée L’Indésirable. La pauvre avait le visage semi-déconfit, semi-découragé... ajoutez à tout ça un ton de voix un brin trainant... ouep, y’a des signes qui ne trompaient pas, cette fille-là était venue écumer quelques choses ce soir.

Ellie lui sourit gentiment en essayant d’afficher un air compatissant.

«Bah, c’est pas grave, je suis là pour ça... Je reste tant qu'il y a...» dit-elle. Elle allait ajouter autre chose mais La Tardive (c’était moins péjoratif, non?) s’étonna de l’heure justement tardive!

La barmaid éclata de rire en voyant l’air ahuri de la cliente!

«Ah bah oui, le temps passe vite en si bonne beuverie!» dit-elle alors qu’un petit papier rouge sortait du sac à main de La Tardive.

Papier qui ne resta pas tranquille longtemps. Une mini-beuglante, tiens tiens! Aurait-elle la chance de savoir ce qui se passait pour qu’elle soit restée si longtemps un lundi soir? Eh bien oui! La lettre se mit à crier quelque chose qui ressemblait à une histoire de jalousie...

Toutefois, CurieusEllie n’eut pas la satisfaction d’avoir l’histoire complète car La Tardive l’élimina d’un coup de baguette tellement blasé et désinvolte qu'il n’y avait pas de doute, ce n’était clairement pas la première fois que cela arrivait. Et à voir la terrible mine que la jeune demoiselle affichait...

«Ouf, en effet... grosse journée. Allez, je vous sers quelque chose, j’ai des trucs miracles...» dit-elle en se dirigeant vers le bar.

« Aviez-vous quelque chose à faire demain matin? Demain matin qui en fait est désormais tantôt? Sans vouloir vous stresser là...» dit-elle avec un sourire.

Si non: cocktail
Si oui: café
Si OUI MERLIN OH LÀ LÀ COMMENT JE VAIS FAIRE: café au cocktail

Demain ? Deux trois petites bricoles... A commencer par me traîner jusqu'à l'université avec le sourire d'une fille pimpante qui a passé une super soirée et qui assume tout, pousser le vice jusqu'à en taper cinq à la moitié de la promo et avoir la tronche fraîche malgré les deux pauvres heures de non sommeil qui m'attendent, prendre des notes et avoir l'air de comprendre quelque chose, me pointer devant Wyndham pour les horaires et autres joyeusetés du stage le tout sans avoir envie de chialer. Demain ? Finger in the nose les enfants ! Un hibou à la volière. Formalités. Rideau.
Je m'entends répondre d'une voix qui n'a rien à voir avec la mienne : « Suffisamment pour me tirer hors du lit d'ici quelques heures... mais pas assez pour avoir envie de le regagner tout de suite. »
Je vais me lancer dans une thèse sur les effets de la bièraubeurre sur l'esprit humain. Où comment un truc sans alcool peut vous faire débiter des conneries plus grosses que le diamètre de London Eye. Sur le coup, ça m'avait parut limite poétique et spirituel. Mais en l'entendant, ça sonne juste comme … un truc débile et no life. Même moi j'ai pas vraiment compris ce que j'ai voulu dire alors, franchement, comment elle pourrait ?
  «  Et heu... désolée pour, le truc là. Qui a cramé. »
Léger.
J'en profite pour lever le nez, parce que j'ai beau trouver mes chaussures canons, y a quand même un moment où ça fait mal polie. Du coup, même en tentant de me la jouer discrète, je ne peux pas m'empêcher de détailler la serveuse. J'avais déjà remarqué tout à l'heure qu'elle n'était pas très grande et ça se confirme. Elle a l'air toute jeune. Plus que moi si ça se trouve, j'en sais rien. C'est super dur de donner un âge aux femmes. En tout cas, elle a l'air plutôt sympa et c'est assez rassurant de tomber sur un visage amical entre une journée pourrie et une autre qui s'annonce carrément longue. Drôle de métier barmaid. On doit passer son temps à entendre les jérémiades des uns, le venin des autres et à devoir se débarrasser des épaves de fin de soirée . Merde … je crois que j'ai un badge d'entrée pour les trois catégories ci-dessus. Ça craint.
Bon, elle avait promis un truc miracle. Qui disait miracle signifiait costaud. Un truc qui allait m'arracher la gorge et me mettre KO pour les 24h à venir. Parfait. Au moins, pas besoin d'excuse pour ne pas être en cours demain, si vous me cherchez, je suis couchée sur le plancher des Trois Balais à agoniser et pleurer ma mère. Ou alors c'est un truc miracle du genre... je vais me transformer en nana hyper sure de moi capable de traverser les amphi d'Albus D, d'appliquer consciencieusement ma main délicate sur la joue de la propriétaire de la mini-beuglante parce qu'on dirait pas comme ça, mais je suis ultra perspicace, et de passer une journée d'enfer.
Je veux CE truc miracle.
«  Miraculeux à quel point ? » Je balance ça en relevant le menton, avec un ton de défi qui ne me dit rien qui vaille. La dernière fois que j'ai dit ça, j'ai eu des ennuis à ne plus savoir qu'en faire.

Bon, alors la demoiselle avait l'intention de dormir. C'était quand même courageux de sa part. C’était peut-être du à son (quand même nouveau) rythme de vie nocturne, mais tant qu’à ne dormir que quelques instants, Ellie préférait grandement rester éveillée et carburer au café. Mais bon, à chacun son rythme, et peut-être que c’était vraiment très très important ce qu’elle avait à faire ce matin-là.

Ellie fit un petit mouvement de baguette et l’un des tabourets montés sur le comptoir descendit. Le temps que La Tardive prenne place, elle dirigea son tir vers le placard à balais d’où, suite à une série de petits gestes complexes et de sorts informulés, sortirent sceaux, balais, serpillères et tout le barda, qui s’activa à faire le ménage de la salle. Pas très professionnel de commencer tout ça en présence d’un client, mais eh... Ellie s’en câliçait. (Comme beaucoup de chose ces temps-ci, mais passons...) *

Une fois le ballet de balais entamé (hahaha elle se trouva drôle), elle monta sur la petite marche qu’elle avait fait rajouté derrière le bar. Ben oui, quand on mesure 3 pommes et demi, il faut ce qu’il faut pour atteindre les trucs. Après 1 semaine de travail derrière cet immense comptoir où elle avait renversé la moitié des consommations à servir, elle avait fait rajouter une marche (rétractable) pour sa petite personne. De toute façon, les autres n’auraient qu’à se pencher.

Elle était grimpée donc, prit le torchon et passa rapidement un coup devant la place créée. La Tardive s’excusa par rapport à la beuglante et Ellie haussa les épaules. C’était vraiment rien, si on comparait au nombre de trucs renversés ici. Bière, bouffe, potions, vomi... Alors une petite beuglante... À moins qu’elle voulait parler du bruit, et non pas du feu... Et encore là... entre ça ou la camaraderie excessivement bruyante qui venait de partir juste avant... C’était vraiment rien.

"T’en fais pas, vraiment. Comme tu vois, c’est déjà en voie de disparition... Et bon. Pour le drink... " dit-elle en attrapant 2 verres propres de derrière elle et en les déposant devant. " Miraculeux comment? Ça dépend... Est-ce qu’il y a des trucs que tu n’aimes pas? Fruité? Sucré? Fort? Amer? Épicé? Salé? Au fait, ça te va que je te tutoie? On dirait que ça me met mal à l’aise de te vouvoyer... On a du aller à Poudlard en même temps, alors hein... " ajouta-t-elle en souriant.

Ellie avait toujours été excellente pour saisir les personnalités des gens, et derrière cette timidité apparente, elle sentait bien qu’il y avait d’avantage. Mais ne poussons pas trop loin pour l’instant, chaque chose sera révélée en temps et lieux. CurieusEllie devrait être patiente pour encore un petit moment...

C’était peut-être ça, au fond, qui l’avait poussé à être barmaid (‘Ouais, ça où une 3e place dans l’équipe de réserve...’). Elle était très/trop sociable et aimait rencontrer de nouvelles personnes. Peut-être, peut-être...


____________
* s'en câlicer: s'en ficher à l'extrême

Elle a le mérite de me faire sourire. Du haut de son mètre je sais pas combien, mais ça doit pas être plus loin que le garrot d'un petit sombral, elle a un débit hallucinant et une pêche communicative. C'est fou comme l'humeur se diffuse et se transmet. Y a un nombre impressionnant de gens capables de vous donner envie de vous jeter du haut de Big Ben ou de sauter de Tower Bridge. Ça craint, mais c'est réel. Avec des gens qui ont la pêche, on se sent regonflé petit à petit. Je pratique pas mal avec mes sœurs. Dans la famille, c'est moi qui remonte le moral, rassure et active le tout quand ça ramolli un peu. Avec les déprimes chronique de Rowan, c'est pas un boulot de tout repos. C'est pratique, mais parfois, c'est moi que ça dégonfle. Ce soir, j'ai carrément besoin d'une pompe à vélo. Ok, je suis pas en train de comparer la barmaid avec une pompe à vélo. Mais je suis carrément soulagée d'être tombée sur une nana qui me donne pas envie de plonger au fond du lac avec une pierre au cou. Je sens déjà la morosité se faire la malle et je suis certaine qu'après son truc miracle, j'irai dompter les dragons en leur passant un anneau dans le museau. J'esquisse un petit sourire, donc. Ça me fait marrer qu'on me vouvoie en fait. J'ai toujours l'impression d'avoir quinze ans et que les gens ont le droit de me tutoyer d'emblée sans me demander mon avis. Sauf que bon... j'ai plus quinze ans. On se rend pas compte sur le coup, mais y a beaucoup d'avantage à avoir 15 balais. On a des excuses pour toutes les boulettes qu'on fait ou dit. A 20 ans, les gens s'attendent brusquement à ce que vous soyez devenue adulte, mature et qu'un éclat d'intelligence ait soudainement heurté votre cerveau. Moralité, les adultes ont la mémoire très courte. L'éclat qui les as frappé a sûrement flingué une zone sensible.
« J'aime pas trop la cannelle. » Définitivement, c'est un jour où je me distingue par mon texte. La cannelle quoi. C'est tout ce qui me vient à l'esprit. « Je crois que j'aime bien tout en fait. Je suis pas trop difficile. Et tu peux me tutoyer, évidemment. » Du coup je le fait automatiquement aussi. J'imagine qu'elle ne m'en voudra pas trop. Je passe en revue tous les visages dont je me rappelle, à Poudlard, mais pas de traces de ma barmaid miniature. Soit elle a beaucoup changée, soit j'ai une mémoire de poisson rouge, soit j'avais de la bouse dans les yeux à l'époque. Je vote 2 et 3 sans trop de problème. Pour le numéro 1, je me vois mal lui demander ses photos de naissance. « Je suppose qu'on a pas beaucoup d'années d'écart. J'y étais de 2007 à 2014, et toi ? » Je me hisse sur le tabouret qu'elle a bien voulu descendre pour moi et pose mes coudes sur le comptoir, louchant à moitié sur les deux verres qu'elle a sorti. J'en déduis qu'on va boire un coup du truc miracle toutes les deux et ça me fait à nouveau sourire. Je sens venir la situation où elle tient l'alcool comme un bûcheron canadien et que moi, au premier verre, je vais lui déballer toute ma vie en long, en large et en travers. Ça promet. Je m'empare d'un des verre, en observe le fond actuellement vide et relève les yeux vers la barmaid qui me fait maintenant face. «Au fait, Moi c'est Seena. »

Pas de cannelle. Trop dommage. C’était une des saveurs préférées d’Ellie, et si on ne la retenait pas (ou le fait que la bouteille se vidait rapidement ne la retenait pas), elle en mettrait partout! Whiskey Pur Feu + Goldshlager, c’était de la bombe! Mais... pas de cannelle. Ok trouvons autre chose.

La Tardive semblait un peu plus relaxe et Ellie avait même cru voir passer un sourire dans son visage...

'Bon, c’est toujours ça. Ça ne me tentait vraiment pas d’avoir à faire affaire avec un cas de déprime profond engendrant des potentielles conséquences funestes...'

Ouf, de bien grand mot pour une heure aussi tardive, et elle rigola mentalement. Elle avait besoin d’aller dormir aussi. MAIS l’autre jeune fille encore bien plus apparemment. Qu’est-ce qu’on fait alors? Quelque chose de doux. Qui frappe sournoisement... Lait chaud, miel, gingembre, oui on dirait une recette de grand-mère, zeste d’orange, cardamone... GIN. Ouep. Ça allait être bon! C'était le genre de recette qui vous donnait envie de vous blottir dans une couverture bien chaude après une longue journée et qui, grâce au Gin une fois réchauffé avec le miel et tout et tout, vous envoyait dans les bras de Morphé encore mieux qu'une berceuse de votre maman. Recette familiale, merci Matante Merta. *

Ellie versa le tout dans un grand verre de cuivre, pointa sa baguette magique pour faire chauffer et reporta son attention vers sa cliente. La Tardive s’appelait Seena et avait étudié à Poudlard de 2007 à 2014. Bon alors théoriquement, elles étaient allées en même temps quelques années. Définitivement pas à Serpentard, sinon, son visage lui auraité été beaucoup plus familier. Mais quelque chose lui revenant, quand même... vaguement...

"J’y suis allée de 2003 à 2010. On a du s’y croiser..."

Oh! C’était prêt! Ellie wingardium-leviosit (du sort Wingardium Leviosa dont elle avait aussi fait un verbe) le contenant et versa délicatement le précieux liquide dans les deux verres. Certes, elle aurait pu se donner en spectacle et servir le tout avec d’impressionnante courbette et tra la la, mais quelque chose lui disait que Seena n’était pas le genre de clientèle pour ça.

"Ellie, enchantée"  dit-elle avec un sourire franc en poussant un des deux verres dans sa direction. Elle prit le sien et le leva dans les airs pour faire un toast. "Santé! Bon matin!"

Et elle but une gorgée de la mixture miracle. Pas brûlant, juste assez pour le sentir descendre jusqu’à l’estomac. Yes.


__________
Matante: Tatie

On a dû s'y croiser.

Merde. Me voilà reléguée au rang des nénettes qu'on sait même plus si on les a côtoyées ou pas.

En même temps toi non plus t'es pas sûre de ton coup.

Plus je la regarde et plus je me dis que si en fait. « T'as pas joué au quidditch ? » Je lève mon verre pour lui rendre son toast et je l'imite. Je me déverse une bonne dose de sa boisson miracle dans le gosier avant de réaliser que je ne sens plus du tout ce dernier. Je retiens une exclamation... flirtant avec la limite la grossièreté avant de tousser comme un chat qui aurait tenté un concours de plongeon.

Je bois peu. En fait, je bois jamais. Le cercle vicieux. Je tiens mal l'alcool donc quand je bois, ça se passe mal, donc je bois peu et je ne m'y habitue pas. Vous saisissez ? J'imagine qu'une barmaid ça a le gosier et l'estomac bien entraîné. C'est peut-être même un critère de sélection. A voir.

Quand ma gorge s'apaise enfin, je peux désormais apprécier le goût de ce que j'ai ingurgité. Et je trouve ça ... pas mauvais du tout. C'est même franchement bon son truc. Y a de l'agrume et du miel. Ça sent bon . Et c'est fort. Je me risque à siroter une autre gorgée, du bout des lèvres. Certes, ça pique, ça brûle, mais le mélange est une réussite au niveau gustatif. Je sens le liquide descendre le long de mon œsophage et se réfugier dans mon corps. C'est chaud et ça délasse. La morosité de ma journée s'éloigne. C'est limite miraculeux son truc, en fait. Ma journée pourrie me tourne les talons, après m'avoir envoyé un petit signe de la main et je sens un sourire débile naître aux coins de mes lèvres. Miraculeux, mais costaud.
Je repousse mon verre un tout petit peu plus loin, histoire de ne pas être tentée de tout m'enfiler d'un coup. L'un des fusibles de mon cerveau m'envoie des signaux d'alerte. C'est bon, ok, mais méfiance.
« Y a quoi dans ta recette miracle ?  C'est super bon ! » Je vois déjà ma main qui se tend vers le verre, comme quoi, la volonté n'est pas ma force première.
La troisième gorgée passe encore mieux, je ne tousse plus, même si la brûlure se fait toujours sentir.
Je parie qu'au deuxième verre, je suis rodée.
«  T'es barmaid pour payer tes études » On y est. Mort d'un premier fusible, je me mets à poser des questions. Une partie de mon cerveau m'annonce qu'en plus c'était pas super délicat comme façon de la poser. J'essaie de me rattraper dans une pirouette qui me navre moi-même : « Ou alors c'est par vocation ? ». Ouais non, c'est clair. C'est beaucoup mieux là.
Je pose mon coude sur le comptoir et retiens ma tête de la paume de ma main.
« OK... Heu... tu sais quoi ? Fais comme si j'avais rien dis, tu veux ? » Je lève le visage au ciel en me maudissant intérieurement puis hausse les épaules en avalant la fin de mon verre cul-sec. Et ça m'arrache la gueule.

Spoiler:

Ellie avala sa première gorgée lentement avec un soupir de satisfaction, les yeux fermés. Elle devrait définitivement se faire ce petit cocktail plus souvent. Elle dormirait sans doute bien mieux! Un peu dans les vapes, elle entendit vaguement la question de quidditch. Argh. La PDONDPPLN. Ou la Profession-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Ellie espérait à tout prix que c’était à cause de Poudlard, et non pas à cause de la ligue professionnelle qu’elle posait la question. Côté timing, c’était bien quand même, Seena ne verrait pas le petit éclair de colère passer dans ses yeux car ceux-ci étaient fermés. Tant mieux, tant mieux...

Le petit moment de contentement/mécontentement spontanné ne dura pas longtemps par contre. Elle ouvrit les yeux rapidement lorsque sa comparse s’étouffa presque! Presque était important dans la phrase, car en fait, ça ne semblait pas être rentré dans le mauvais trou, mais bien juste parce que la première gorgée pouvait sans doute surprendre. Ce n’était pas si fort, mais peut-être que la jeune fille ne buvait jamais d’alcool. Si elle s’en tenait toujours à la bièraubeurre...

‘Bah... il faut bien commencer un jour!’

Ellie rigola un peu et laissa à la boisson le temps de faire son effet. Pendant que Seena prenait quelques gorgées supplémentaire, elle balaya du regard la salle, vérifiant que tout se déroulait toujours dans l’ordre. Une serpillère semblait prise avec une tache tenace près de la porte, Ellie envoya un petit Récurvite dans sa direction.

"Que des bonnes choses: lait, miel, gingembre, zeste d’orange, cardamone et gin"

Enligné comme ça, on dirait vraiment plus une recette de tisane, mais à cette heure-ci du matin, c’était approprié. D’ailleurs, Ellie eu la satisfaction de voir un sourire naître sur les lèvres de SeenaLaTardive. Gagné! Non seulement elle semblait plus relaxe, mais se dégênait également. Et les questions fatales arrivèrent.

C’était certes des bonnes déductions. Pour payer ses études, ou même par passion. Eh, si seulement c’était ça. Elle pouvait toujours répondre que c’était la business familiale. C’était pas un mensonge, Rosemerta étant sa tante, mais même Merlin savait que ce n’était pas pour ça qu’elle y travaillait. Sauf que ça passait toujours bien comme réponse évasive...

Ellie but à nouveau, une longue lampée cette fois, avant de répondre, mais cela donna le temps à l’autre de se raviser, semblant désespérée et embarrassée de ses propres questions. Puis, contre toute attente, elle vida son verre d’une traite.

La barmaid éclata franchement de rire! Alors ça, elle ne s’y était pas attendu! Et à voir la grimace qu’elle faisait, Seena non plus! Un beau moment...

"Je dis ça comme ça, mais quand ça va rentrer au poste, tu vas t’effondrer! Je dis aussi ça comme ça, mais on est lundi soir, la plupart des chambres sont vides. T’en veux une pour les 3h qu’il te reste à dormir?" dit-elle en envoyant les produits nettoyants dans le placard d’un coup de baguette.

Hj:

Je sais pas comment j'ai pu imaginer une demi-seconde que le breuvage allait m'épargner s'il passait en plus grande quantité. Ce truc m'arrache les muqueuses, les amygdales et tout ce qui traîne, microbes compris, dans le fond de mon gosier. Je suis tentée par la proposition de la chambre. Déjà parce que je suis pas certaine de retrouver la mienne après un verre de plus, que je sais avoir envie de réclamer. Deuxio parce que dehors, il fait froid et que ça m'évitera de sortir. Et tertio... parce que j'ai du mal à me bouger les fesses de ce tabouret.
Je m'entends baragouiner un vague « Ouais, je dis pas non. » Ça veut dire oui.
Et puis brusquement, ça monte. Mon tabouret se carapate comme un lâche, m'abandonnant au bon vouloir de mes pattes qui semblent bien parties pour se faire la malle aussi. Je me retrouve plantée dans mes bottes, les cheveux dans la figure à essayer de m'exprimer sur un sujet que j'ignore encore. « Et tu sais quoi ? Demain, je leur pète les mandibules à ces pimbêches de premières ! Je vais leur mettre ma main dans la tronche à les remaquiller version Halloween. »
Je sens bien que ça dérape et que les mots s'échappent de ma bouche sans demander d'autorisation. Je prie juste en silence pour ne pas être malade … ce qui augmenterait mon capital ridicule déjà bien élevé. Mon moi intérieur s'autoflagelle d'avoir goûté le breuvage, pendant que l'autre moitié se trouve débile de ne pas savoir boire. La troisième moitié, elle, commence à se sentir plutôt bien. Détendue et prête à bouffer un dragon. Dommage que j'ai pas une quatrième moitié, son point de vue dans ce débat d'une importance capitale m'aurait grandement intéressé.

Alors que je lutte intérieurement pour savoir qui va remporter cette incroyable mutinerie interne, le sol se met à tanguer tant et si bien que je suis obligée de m'accrocher au comptoir comme un arapède qui aurait choppé le mal de mer. « Hey là, tes balais quand ils font le ménage ils font pas semblant. » Et ça passe comme s'est venu. Les meubles reprennent leur place. A moins que ce ne soit ma tête qui revienne, j'hésite encore, et je réalise que je suis à demi vautrée sur le comptoir de la minuscule vendeuse. A ce train là, la chambre, elle va me payer pour que je la regagne.

« C'est sûrement le miel qui me fait de l'effet. » Dis-je en grimaçant. L'humour à quatre heure du matin, ça vole moins haut que les première années en cours de vol. c'est à dire... au ras des mandragores. Après cette majestueuse démonstration de ma capacité à tenir l'alcool je décide de tenter de me retirer avec le peu de dignité qu'il me reste. Même si c'est très peu, ça pourra toujours servir demain. Ne jamais sous-estimer un capital dignité. « Merci pour le verre. C'était... surprenant, mais efficace ! » Mes oreilles bourdonnent un peu et je sens qu'effectivement, l'effondrement n'est pas loin. Elle s'y connaît la demoiselle en effets secondaires.
Je tente un minable sourire et commence à rassembler mes affaires lorsque de la rue, nous parvient une sorte de miaulement douloureux et drôlement puissant pour un félin. La longue note plaintive s'achève pour se remettre à émettre de plus belle. Il me faut bien une minute pour réaliser qu'il ne s'agit pas d'un animal, mais d'un individu, de sexe masculin à en juger par la tessiture de la voix.
« Merde... c'est quoi ce truc ? » Je me tourne vers Ellie avec des yeux rond comme des souaffles pendant qu'à l'extérieur, des paroles se font entendre après ce qui s'avérait n'être qu'une légère introduction musicale :

« Mon Ellie,
mon amie,
ma mie,
mon aimée.
De jour,
comme de nuit,
Mon amour,
je ne t'oublie... »

Je me rassois.

Spoiler:

"Kessé ça?!?!?" *

Entre un bruit bestial et humain. Et même si Ellie était habituée à l’environnement sonore des ivrognes, ça, c’était un peu différent. Elle rendit les yeux ronds à Seena avec la bouche écrapoutie comme une grenouille. Meh, ce qui se passait dehors n’était pas de son ressort... Personne n’avait quitté son bar assez packté** pour faire des onomatopées de la sorte... Donc théoriquement, elle n’était pas responsable de ce tintamarre...


« Mon Ellie,
mon amie,
ma mie,
mon aimée.
De jour,
comme de nuit,
Mon amour,
je ne t'oublie... »

Apparemment, oui. Et là, se déchirait dans sa tête un mélange d’excitation et de désespoir. Oui de l’excitation parce que c’était tout de même drôle qu’à 4h du matin, on vienne lui déclarer sa flamme, et peu importe qui s’était, elle trouvait ça vraiment drôle. Mais le désespoir venait aussi. Elle espérait de tout coeur que ce n’était pas un de ces clients fatigants qui ne pouvaient s’empêcher de la courtiser. Il était tard, elle était tannée ***, et franchement, c’était quoi cette heure?!?

"Bon fackeeeeeeee..."**** dit-elle en regardant la porte.

À cause de la lumière forte à l’intérieur qui reflétait dans les fenêtres, impossible de distinguer qui pouvait bien se trouver dehors. Et à cause de la fatigue, de l’heure tardive et puis bon, des murs qui les séparaient, Ellie n’arrivait pas à reconnaître la voix.

"Tu me donnes quelques instants avant de te montrer ta chambre?"

Ellie avait décidé de lui donner la #3, car la demoiselle devait se lever demain matin pour aller euhm... en cours probablement? Elles n’avaient pas discutés de se qui se passerait le lendemain. Mais elle avait demandé un truc qui lui permettrait de se tirer du lit dans quelques heures, que ce soit pour des cours ou du travail, ça changeait rien. Vaudrait donc mieux la placer dans une chambre près de la salle commune, comme ça, y’a moins de chance qu’elle soit oublié là. Ellie, avant ce tapage nocturne, avait agripper le cahier de réservation de chambre et ajouta une note à l’adresse de la personne qui rentrait dans 1h pour l’ouverture matinale. «Épave dans la 3, s’assurer qu’elle soit levée avant ... 8h? Bonne journée! Ellie ^_^  »

Et pendant ce temps là, Seena avait semblé recevoir les effets de l’alcool plutôt... comiquement! Elle s’était mise à déblatérer des trucs sur les pimbêches, qu’elle allait les remaquiller... Ellie l’avait écouté d’une oreille distraite en rigolant, envoyant les deux verres vides (bah oui, elle avait vidé le sien aussi, pas de gaspillage) se laver dans l’évier.

Mais maintenant, un problème (ou pas? peut-être!) plus grand que Seena était arrivé.

La petite barmaid se dirigea vers la porte et l’ouvrit à grand coup.

"EH OH On se calme il est 4h du mat’... KYLE??? MAIS KESSÉ TU CRISS LÀ?!?"*****

De touuuuuutes les personnes possibles et imaginables, il fallait que ce soit Kyle. Kyle Thompson. Alors, ça n’était pas un amoureux transi ou un saoulons de la veille. Non. C’était cette personne dont on ne peut pas se défaire, parce qu’on se connait depuis toujours, parce qu'on s'est peut-être un peu déjà fréquenté et surtout, d’habitude, parce qu’il manque toujours d’argent...

"Ellie! Ma belle! Content de te voir! Allez, tu me laisses entrer?

- C’était quoi ça?

- Ben c’est la façon que j’ai trouvé pour que tu m’ouvres à cette heure."

Et il entra, australopithèque style.

"Oh tu as encore de la visite? fit-il d’un ton charmeur.

- Oui, mais ça n’est pas à toi de t’en occuper, dit-elle en le poussant vers une table près de la porte. Assis toi là, je te reviens dans 2 minutes. Tu bouges, j'te petrificus-totalus, ok? Ok."

Oh. Mi.Sè.Re. Vraiment. Vraiment? Eh mar%!$#%.

Elle retourna vers Seena qui s'était rassise, à moitié évachée****** sur le comptoir.

"Bon alors, désolée pour tout ça, vraiment. Tu veux que je te montre la chambre? Ou je te laisse reprendre tes esprits? La 3 sera à ta disposition... Tu veux un verre d’eau? ajouta-t-elle en lui en versant un, sans attendre sa réponse."


__________

Long post, beaucoup d'expressions!
* Kessé: Qu'est-ce que
** Packté: Déchiré
*** Tannée: Exaspérée
**** Facke: Donc
***** Criss: Dans le sens de la phrase ici: qu'est-ce que tu fous là. Criss est un jurons dont on peut faire des verbes, des adverbes, même des adjectifs... bref, ça s'utilise à toutes les sauces, mais c'est pas très beau comme langage. Dites pas ça dans la vie de tous les jours... sauf quand vous êtes vraiment fâchés (ou vraiment en criss hahahaha)
****** S'évacher: s'étendre lâchement

Un verre d'eau ? J'espère que la  # 3 est prêt des toilettes parce qu'avec tout ce que j'ai bu ce soir je suis en bonne voie de passer la nuit debout.

Le type qui vient d'entrer me dit quelque chose, mais je suis pas certaines que mes neurones soient prêtes à se connecter pour répondre à mes interrogations. Elles sont bien trop occupées à enchaîner saltos et triple loops sur les rives glissantes de ce qui me reste de cerveau.
Je tente de communiquer avec Ellie en murmurant un vague « Attends, je reprends un peu mes esprits après je monte » Mais je suis pas certaine qu'à la sortie ça ressemble à ça.
Je me hausse les épaules à moi-même et pose mes coudes sur le bar, en bonne spectatrice prête à se délecter d'une scène de série.
Le musicien d'un soir traverse le pub en roulant des mécaniques et se pose à une table au fond. Je retiens tant bien que mal le ricanement intérieur qui m'envahit. Je sens que le spectacle ne fait que commencer. Je suis pas encore au clair avec moi et très honnêtement, j'ignore si je reste par curiosité ou par soutien pour la serveuse au cas où elle ait besoin de bras pour éconduire son prétendant. Elle n'est pas bien grande, certes, mais elle ne me fait pas l'effet non plus d'être une pauvre fille qui s'en laisse compter.
La curiosité prend légèrement le dessus et je me demande comment va finir le film.
Le type, bien que pas mon genre, n'est pas mal. Un peu sûr de lui à mon goût, il s'adresse à Ellie comme si c'était tout gagné pour lui, tout en faisant des effets de biscoteaux. Habituellement, je suis plutôt du genre à prôner la discrétion et à exceller dans l'art de m'éclipser sans préavis. Mais là, dans un esprit de contradiction et de défiance inhabituels, je dois sûrement ça à l'alcool, je me sens l'envie de jouer les crétine et je reste plantée là, à laisser traîner une oreille indécemment curieuse. A moi, on m'a jamais chanté de sérénade. Pas sûre que ce soit un bien ou un mal, mais mon côté jeune prude de service à envie de savoir à quoi on s'expose quand les mecs vous jouent du banjo sous les fenêtres à des heures indécentes.
J'intercepte mon propre regard qui s'attarde sur les verres dans l'évier en plein processus d'auto-lavage et je soupire avec regrets.
Regrets ? Me voilà devenue dévergondée et alcoolo en l'espace de deux heures.
Tant bien que mal, je dégage ma crinière de devant les yeux et essaie de faire le focus sur Ellie, ma nouvelle barmaid préférée.
« Tu finis à quelle heure normalement ? » Je réalise que je l'empêche de rentrer chez elle avec mes âneries... Puis je jette un œil au chanteur. « Tu préfères que je te laisse seule avec lui ou... » Je baisse d'un ton, me croyant discrète « t'as plutôt envie qu'il reste des témoins dans la salle ? »
On sait jamais. Imaginons que le type lui saute dessus ? Je pourrais toujours lui vomir sur les pieds.
Au fond de la salle, le ricanement du type m'annonce que côté discrétion, je peux aller me rhabiller. J'envoie une vague tentative d'excuse muette à Ellie, à mi chemin entre la moue désabusée et la désolation intense.
Bon, évidemment, si Ellie se met à répondre à ses avances, je vais pas non plus jouer les voyeuses, mais en attendant, prise d'une soudaine audace venue des abîmes délicieuses du Ellie's shooter je m'entends questionner : « C'est ton copain peut-être ? »