Beignets de calamar |Brenna|

Brenna avait repéré l'agitation soudaine du calamar. Elle voyait toujours ces choses-là. Elle voyait toujours les détails, même ceux cachés au coin de l’œil, ceux qu'on ne voudrait pas voir comme ceux qu'on ne devrait pas observer. Et ce qu'elle voyait là était suffisamment étrange pour lui faire perdre son sourire d'habitude immuable.
La sorcière senti un frisson glacé lui parcourir l'échine. Le genre qu'on ne peut ignorer assez longtemps pour l'oublier. Le genre qui fait oublier le plus intense bonheur - et qui souvent se produit à la suite. Le genre qu'on voudrait croire ne pas avoir ressenti.

« J'ai peur... »

Ah... ça, elle ne l'avait pas vu venir... Et comme Saoirse, elle ne put que voir l'évidence : la créature venait de mourir. De la plus étrange des façons, par ailleurs. Elle ne répondit pas aux questions de sa jeune amie, ne faisant qu'un signe de tête affirmatif pour celle concernant la demande d'aide. Ce qui venait de se produire dépasser à n'en point douter toutes leurs compétences réunies. Mais à coup sûr, aucune d'entre elles n'avait causé la fin prématurée de l'animal.

Mes potions sont contrôlées par le Ministères deux fois par an, et je n'ai le droit de produire que celles dont les recettes ont été approuvées. Celle que je lui ai donné n'est d'ailleurs pas de ma conception, ça ne vient certainement pas de ça. Après tout, c'est un truc qu'on donne habituellement aux enfants, même à forte dose, ça ne fait rien de plus que l'effet d'un somnifère moldu. Par contre...

Brenna réfléchit un instant. C'était évident. Et ça non plus elle ne l'avait pas vu venir, après tout. En rentrant, elle devra penser à faire vérifier sa boule. De cristal, la boule.

M'est avis que c'est lié à son comportement de départ. Un poulpe, aussi balèze soit-il, n'a pas, ce me semble, l'habitude d'attaquer les humains, même sorciers.

D'un coup, sans prévenir, la sorcière reprit ses manières habituelles, mit les mains sur les hanches, et lança un "Hum" particulièrement sarcastique - si, c'est possible.

Saoirse mon petit, je crois que tu tiens là le scoop de l'année ! Attendons là les responsables du Bestiaire, nous verrons bien, mais tout ça n'est pas clair, si tu veux mon avis. Ha, nous avons bien fait de venir, cela aurait été dommage de louper ça !

Et sans sourciller davantage, comme si elle faisait ça tous les jours en somme, Brenna retourna d'un pas rapide et étrangement volumineux vers sa tente, en sorti une petite table puis des chaises pliantes, une bouilloire fumante et enfin des tasses de thé de formes et de tailles différentes. Elle se servit une tasse, retourna dans la tente et en ressorti avec deux mugs fumants de chocolat chaud qu'elle tendit à ses enfants, servit une tasse à Seamus qui s'attabla sans tarder, et enfin, elle servit une dernière tasse et invita Saoirse à la rejoindre. Dans la tente, on pouvait entendre une autre bouilloire commencer à faire son oeuvre, et on pouvait, en se penchant, apercevoir d'autres tasses : elles seront pour ces messieurs qui viendraient tout à l'heure constater les dégâts.

Oui, Brenna était comme ça : le sens des convenances avant tout. Et si elle était irlandaise, il n'était pas à douter qu'elle était un parfait exemple du flegme britannique.