[Pré-Au-Lard] Les bons comptes font les bons amis [Marcos]

Je fus réveillée en sursaut par des bruits à la fenêtre de ma chambre. N'ayant pas l'habitude de me lever tôt, il me fallut un temps incommensurable pour m'extirper de mes couvertures. Couvertures qui ne voulaient pas me laisser sortir de leurs entraves.
Enjambant ces dernières, je me retrouvais nez à bec avec Snowden, hibou de la famille. Ce dernier étant le garant d'une enveloppe. Enveloppe que je remarquais avec mon regard aguerri. Qui pouvait donc bien m'écrire ? D'un claquement de langue j'intimais à Snowden de tendre sa patte afin que je puisse prendre cette enveloppe.
Étant revenue dans mon lit, les couvertures avaient gagné la bataille, je décachetais le précieux sésame. Et je souriais.

Mes grands frères prenaient de mes nouvelles avant ma lourde session d'examens. J'étais émue.

Soeurette,

T'as vu ? On prend la plume pour t'écrire. Sois contente !
On s'est tous dit que ça te ferait plaisir si tes quatre grands frères prenaient de tes nouvelles ! Alors petite sœur, t'en es où de tes examens avec tes balais et tes chaudrons ?
Savoir si tu vas nous ramener un parchemin où il sera marqué : Isolde Abberline est acceptée en deuxième année en filière BOREALIS.
Ci-joint à cette courte missive, de l'argent.
Afin que tu puisses t'acheter ce que tu souhaites avant ta louuuuurde session d'examens. Ne nous remercie pas. Fais nous plaisir en réussissant ton année Is'.

Papa et maman ont participé aux sous hein. Et ils t'embrassent.

Le Quatuor.

Ils étaient fous. Je remarquais les billets dans l'enveloppe couleur crème et les larmes me vinrent aux yeux. J'avais toujours cru, étant petite, que mes grands frères me détestaient. Mais il s'est avéré au fil des années que c'était tout le contraire. Je décidais donc d'honorer leur lettre, en me rendant faire des emplettes.
Où ? Je ne le savais pas encore. Mais une chose était certaine, quand une fille se mettait en tête de faire du shopping, elle trouverait n'importe quel magasin afin d'assouvir sa soif d'emplettes. D'ordinaire, je n'étais pas une fille obnubilée par les magasins, mais ici, c'était comme si mes frères et mes parents étaient présents avec moi tout le long de mes achats.
Alors je pouvais bien faire un effort. Je décidais donc de m'apprêter en vitesse, et le plus facilement possible. Je m'emparais de mon sac en bandoulière où j'y glissais mon bloc de dessin et des plumes avec de l'encre noire. Avant de sortir, je pris ma capeline, il faisait frais ces temps-ci. J'avalais une gorgée de café et un petit pain à la citrouille avant de sortir et de me diriger ...

Où ?

Mes pas me menèrent à Pré-Au-Lard, où bon nombre de magasins me faisaient les yeux doux. Et je ne pus que les faire. TOUS. Après des heures et des heures à piétiner dans ces magasins, je décidais de me stopper dans un endroit que j'appréciais beaucoup. Même en étant seule et pour cela j'aimais m'octroyer quelques moments de détente. Je sortis donc mon bloc de feuilles et mes plumes en vue de dessiner les personnes présentes.
Et j'en aurais pour un moment. J'étais aux Trois Balais et je me devais comme chaque fois de prendre une bierauberre suivie d'un sobre jus d’œillet. C'était mon petit rituel à moi et rien qu'à moi.

Mais j'allais vite déchanter. Une ombre venait d'arriver.

Par moments, j'avais de très bonnes intuitions et ici, cela ne faisait nullement exception. Je me retrouvais donc, mouillée. Il fut un temps où j'aurais pesté, crié ... Mais à croire que vivre avec quatre grandes terreurs m'avaient forgé le caractère.
Néanmoins, je restais quelques secondes sans bouger, essayant de comprendre ce qu'il venait de se passer. Alors que j'étais en train de dessiner, les personnes ici présentes, je me retrouvais aspergée de pied en cap, par quelque chose d'extrêmement collant et qui sentait la framboise.

Bien.

Tout mes dessins étaient fichus. Du rose framboise s'étant écoulé sur eux. J'avais l'impression que tout mes petits êtres étaient en train de se noyer dans un charmant lac couleur fuchsia. Le fauteur de trouble, tentant encore de m'asperger, voulut m'aider. Ce fut sans compter que ma Bieraubeurre tanguait légèrement quand ce dernier œuvra pour me prêter main forte.
Je plantais mon regard couleur noisette dans le sien, non sans une certaine irritation. Mais je devais reconnaître une chose, bien que mes dessins n'étaient pas exploitables, mon matériel n'avait pas péri dans la bataille.

Sorbet : 1. Isolde : 0

Il voulait m'offrir un bonbon pour tout les dégâts qu'il avait occasionné. Je soupirais, ne pouvant résister à l'appel des sucreries présentes et plongeais ma main dans le sac de friandises. Merlin, que c'était délicieux ! Au moins quelque chose de positif dans ces quelques minutes qui avaient mal commencées.
Je me sentais observée et je sentais ce sourire pesant sur ma personne. L'idée de lui en retourner une, m'avait bien traversé l'esprit mais ce n'était nullement ainsi que l'on commençait de nouvelles relations "amicales".

D'une main tendue, je lui désignais la chaise en face de moi pour qu'il daigne y prendre place.

- Merci pour le bonbon. Et ne te tracasse pas, je ne mords pas. Dis-je tout sourire tandis qu'un Informulé rapide séchait tout mes vêtements et mes chers dessins où mes protagonistes ne seraient plus noyés dans ce fleuve de framboise.

Je regardais mon interlocuteur. Sûrement étudiant. Comme moi. Mais plus jeune de quelques années.

- Je me prénomme Isolde. Et toi ?

Autant commencer par le commencement.
Non ?

J'étais gourmande. Je l'avais toujours été. D'aussi loin que je m'en souvienne en tout cas. Le sucré, le salé, tout y passait chez moi. Et surtout en période de stress pour les examens, c'était dix fois pire ...
Alors quand l'illustre inconnu m'offrit une autre chance de me servir dans son paquet de bonbons, j'y vis une large opportunité. L'une de mes mains plongea encore dans ce sachet et heureuse, je mordis encore dans l'un d'eux.
J'étais aux anges, mais un peu moins quand je vis que le garçon me fixait. Intensément. C'était dérangeant mais comme je le dis, j'étais habituée avec mes quatre terreurs.

Alors lui, tout seul, je ne craignais pas grand chose.

Ainsi donc, il se prénommait Marcos. Étrange prénom. Un peu comme le mien en somme. Je lui souris quand il m'expliqua qu'il s'attendait néanmoins à ce que je lui administre une gifle. Peut-être aurait-elle soudé d'autres rapports ?
Mais quand bien même, je n'étais pas encore une sauvage. Enfin, je le pense.

Quoique ...

- Enchanté Marcos ! Non, je ne t'en veux pas du tout ! Je vais même t'avouer une chose, je suis habituée avec quatre grands frères à la maison. Si je devais gifler mes grands frères à chaque fois qu'ils font une trollerie, je crois que j'en aurais pas fini !

Je ris. Il m'était vraiment sympathique et joli garçon.  J'avais déjà envie de le figer à jamais sur le papier mais je savais par expérience, que les personnes -enfin certaines-, n'aimaient pas être observées afin d'être dessinées. Simplement, j'attendrais.
A sa question, je rougis quelque peu. Si j'avais des soupirants ? Je ne le savais pas vraiment.

Sait-on jamais.

- Pas à ma connaissance en tout cas. Mais j'aime bien me retrouver seule pour dessiner ce que je vois. C'est mon petit jardin. Toute la journée, je suis en cours avec mes amies et camarades et par moments, j'aime à être seule pour me retrouver. Mais je crois qu'on est un peu tous pareils. Non ?

J'avais besoin de mon moment de quiétude. A moi et rien qu'à moi. Marcos m'intriguait quand même et je pouvais bien lui offrir un peu de mon temps. Et partager un peu de mon monde ? Mais j'étais et restais quand même timide quand il s'agissait de relations autres qu'estudiantines ...

- Tu es en quelle filière à l'Université, Marcos ?

Autant continuer la conversation.
Non ?

Il me rappelait un peu mes quatre grands frères. Ces derniers me manquaient souvent quand j'étais en intense période de stress. Leur petit mot m'avait fait plaisir et je le garderais précieusement. Là où je gardais tout mes souvenirs familiaux, dans une petite boîte en acajou fermée par un sortilège. Même pas mes camarades de chambrée en connaissait l'existence. C'est mon petit trésor à moi et rien qu'à moi.
Alors j'apprécierais moyennement si on venait à lire mes correspondances familiales. Mon regard noisette vit arriver le serveur qui daignait poser deux bieraubeurre devant notre nez à Marcos et à moi. J'avais fini ma première, ce qui m'avait fait apparaître du rose sur mes joues déjà remplies de tâches de rousseur. Il était fils unique ? C'était bien triste.

Fille unique ? Je ne sais pas si je l'aurais bien vécu finalement.

- Même si tu as des potes, comme tu dis, ça ne te manquerait pas des frères ou des sœurs ? Je me sentirais étrangement vide sans mes frères ...

Il est vrai que sans mes quatre grands frères, je friserais un ennui des plus mortels. Ils endossaient plusieurs rôles. Ils étaient là pour me distraire, me protéger, m'éduquer. J'aimais être en leur compagnie et être leur petite protégée. Alors ça me faisait bizarre d'entendre Marcos dire qu'il mentait à ses amis sur Poudlard. Je souriais tristement pensant là encore à mes frères qui ne verraient jamais l'enceinte de ce château tant convoité parce qu'il leur était interdit suite à leurs non-capacités magiques.

Puis vint la question artistique. Il voulait en savoir plus sur moi. Non pas que cela me déplaise, mais j'étais assez frileuse quand je devais aborder la question. J'adore dessiner. Tout. Tout ce que mes yeux noisettes peuvent entrevoir. Le monde, je le peins souvent avec mon regard de jeune dessinatrice. Mais ce dernier se trouve souvent entâché par mon Don. Ou plutôt ma Malédiction. Je me rappellerais toujours de cette fois où, invitée par ma fratrie dans un café purement Moldu, je m'étais mise à croquer une petite fille aux couettes rousses assise non loin de nous avec sa maman.
La petite fille voyant que je la dessinais, s'était approchée, tout sourire. Elle avait même apprécié revoir son chat qui selon la maman furieuse était mort il y a quelques mois de cela, écrasé par une voiture. La petite fille ne s'en était visiblement jamais remise. Et il se trouvait là, devant elle. Visiblement parfait, la petite tâche noire sur le petit nez beige, l'oreille gauche mordillée et la petite moustache manquante.

La mère était partie furieuse avec sa petite fille en pleurs.

- Je fais des portraits.

Je restais évasive sur le sujet. Malgré que l'envie de dessiner mon compatriote, me brûlait les doigts. Je sirotais ma bierauberre tout en souriant quand il m'avoua qu'il terminait sa dernière année parmi les Rouges et Or. Je l'aurais cru plus vieux, d'au moins deux années. Peut-être.

- Hé bien, je suis en première année filière BOREALIS. Dans les arts. Ainsi donc tu es un musicien ! Tu joues de quel instrument ? Mes quatre frères se sont improvisés groupe de rock tout un été. Et je ne peux pas dire que cela ait beaucoup fonctionné.

J'avais ri. Repensant aux couacs musicaux dont la maison avait résonné durant tout un été.
Ce fut atroce.
Réellement.

Marcos plairait sûrement à mes frères. En même temps, ils se lient facilement d'amitié avec tout les gens qu'ils peuvent croiser. En ce qui me concerne, je suis la timide, celle qui reste à l'écart. Il me sera toujours difficile de lier contact avec un ou une inconnu(e). J'ai toujours cette peur du jugement des autres.
Elle me prend si souvent à la gorge que je me réfugie dans mon monde. Dans celui de mes dessins. Mais, il m'est arrivé quelques déconvenues avec. Les gens ne sont visiblement pas heureux quand ils voient ce que j'ai pu faire. Même chez les sorciers, les Dons étranges sont souvent mal vus. Mes frères en seraient presque fiers. Mais pour eux, j'ai un talent avec un crayon alors pour les conséquences négatives, ils s'en fichent.

Mais pas moi. J'écoutais Marcos distraitement, happée par une vision que je n'aurais pas préféré voir. Il y avait Hannah Hampton, de deux ans mon année, pendue au cou d'un élève de sa promotion dont j'étais tombée amoureuse, la première fois que je l'avais aperçu dans les couloirs, quand j'étais perdue. Il m'avait montré où je devais me rendre selon mon emploi du temps et m'avait souri. Sur l'instant, c'était comme si mes quatre grands piliers étaient avec moi.

Mais Hannah était beaucoup plus téméraire. J'eus du mal à terminer ma biéraubeurre tant le dégoût m'inspirait dans cette vision qu'elle venait de m'asséner de plein fouet. J'inspirais et expirais, tentant de me calmer. Je ne devais surtout pas me laisser aller à pleurer. Marcos n'allait pas comprendre et surtout ce n'était nullement de sa faute. Mais se faire briser le cœur, sans y être préparée, c'était la dernière chose à laquelle je pouvais penser.

- Garde tes amis auprès de toi. Ils sont une famille.

J'avais répondu évasivement mais j'avais pensé chaque parole. Mon meilleur ami, Ethan était comme un autre frère. Plus jeune, mais protecteur aussi. A croire que pour les autres, je ne suis qu'une pauvre brindille fragile qui se casserait sous la première contrariété venue. Mais j'avais plus de force de caractère, j'étais une battante. Même si ces traits de caractère se taisaient souvent chez moi. Marcos venait de me demander s'il pouvait être mon modèle, poser pour moi. Je tiquais légèrement, ne voulant pas qu'il voit ce que je savais faire.

- Oui, oui bien sûr. Il faudra que tu soies patient par contre. J'ai beaucoup de commande. Ça n'arrête pas !

Alors que Marcos m'avouait un peu ses futurs projets, ce que je redoutais arriva. Hannah s'approchait nonchalamment de notre table, tenant Roy Wellington par le bras. Arrivés à notre hauteur, je ne les regardais pas, préférant détailler Marcos plus précisément. C'était rassurant. Mais Hannah ne se contenta pas de rester là, à me jeter son bonheur à ma figure. Elle ouvrit la bouche, et j'entendis cette voix nasillarde que j'abhorrais tant m'emplir les oreilles.

- Oh ! Isolde ! A ce que je vois, tu es en charmante compagnie ! Et comme tu vois, moi, je sors avec Roy !
- Merci. Ma vue fonctionne encore bien.
- Tu ne nous présentes pas ?

Je n'en avais pas la moindre envie. Je regardais Roy à la dérobée, consciente que j'avais les larmes aux yeux et les joues rougies rien qu'en le regardant. Il me souriait, il me transperçait le cœur.

- Marcos. Voici Hannah et Roy. Des camarades de même filière.

Je devais sortir. J'étouffais.